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Photo du rédacteurPhilippe Metral

Le développement des filières lait locales en Afrique de l'Ouest



La lecture de cette article sur les opportunités d'appuyer les filières lait en Afrique de l'Ouest m'a ramené 35 ans en arrière, à l'époque où j'essayais de développer la production laitière autour de la ville de Kayes au Mali.


Développer l'élevage laitier en Afrique est à mon sens une très bonne idée. Je crois beaucoup à une association polycultures-élevage car elle permet d'envisager des solutions pour la restauration de la fertilité des sols. C'est aussi un moyen de diversifier l'alimentation des populations rurales et leurs sources de revenus. C'est souhaitable, mais est-ce vraiment réalisable ? Je voudrais apporter ma modeste pierre à cette réflexion sur la base de mon expérience malienne. Elle est certes ancienne et bien des choses ont, je l'espère, évoluées. Je pense cependant que les fondamentaux n'ont pas beaucoup changé. A noter qu'à l'époque, Mali Lait à Bamako travaillait certes à partir de poudre de lait importée mais elle soutenait aussi le développement d'une production laitière locale périurbaine et collectait du lait frais auprès d'éleveurs qu'elle appuyait.


Premier point, le potentiel de production par animal est faible. les animaux les plus productifs sont les zébus présents au Sahel. Les vaches Zébus ne produisent que quelques litres de lait par jour au plus fort du pic de lactation. Ce pic ne dure pas et la production redescend rapidement même avec une complémentation alimentaire à base de graines de coton ou de tourteaux. En milieu traditionnel, une vache peut allaiter son petit largement au-delà d'une année. Elle ne met pas bas chaque année et la queue de lactation perdure avec des productions quotidiennes très faibles.

A l'époque, des programmes visaient à créer un rameau africain de la race Montbéliarde en croisant des vaches Zébus, puis leurs descendants avec des taureaux montbéliards importés. De tels animaux impliquent une transformation profonde du mode d'élevage avec notamment la complémentation de l'alimentation en saison sèche.


Certes les populations d'éleveurs nomades compensent cette faible production per capita par la taille des troupeaux. Mais il s'agit d'une production très saisonnière. Ces populations disposent d'importants volumes de lait en saison des pluies, lorsque les pâturages fournissent une alimentation abondante et de qualité. Les éleveurs ne savent alors plus quoi faire du lait. Les vaches ne sont pas traites complètement et j'ai personnellement vu du lait utilisé pour nourrir des boucs. Par contre, la production chute dramatiquement en saison sèche.


La saisonnalité très marquée de la production n'est pas le seul handicap au développement d'une industrie laitière valorisant le lait local. La production est soit extrêmement dispersée dans le cas d'élevage pratiqué par des agriculteurs sédentaires, soit souvent difficile d'accès et éloigné des centres urbains dans le cas des troupeaux d'éleveurs nomades. dans les deux cas, la collecte du lait est compliquée et couteuse.


Reste un dernier point, essentiel lorsque l'on veut développer une filière : les débouchés. Comme l'article cité le mentionne, il se consomme peu de lait en Afrique. Il y a sans aucun doute un marché, notamment dans les centres urbains au Sahel. Il reste à mon avis limité et plus porté sur le lait caillé ou les yaourts. Il faut donc rester humble opter pour des mini-laiteries. Il existe des petites unités installées dans des containers faciles à installer mais j'aurais tendance à chercher, au moins au démarrage, à réutiliser du matériel d'occasion. Si je devais lister les principaux éléments à prévoir pour mettre en place une mini-laiterie, je mentionnerai, en dehors des véhicules et matériel de collecte :

  • du matériel pour contrôler la qualité du lait à réception et notamment au moins un pèse lait pour détecter les fraudes éventuelle ;

  • un tank à lait pour stocker et homogénéiser le lait réceptionné avant process

  • un pasteurisateur. il existe des modèles conçus pour de faibles volumes. A Kayes nous avions installé un actinisateur (traitement thermique associant rayonnements Ultraviolet et Infrarouge)

  • Une ensacheuse permettant de conditionner le lait caillé ou frais en sachets à partir de rouleaux de gaine;

  • une chambre froide pour stocker les produits finis

  • un groupe électrogène

  • un équipement pour traiter l'eau utilisée pour laver le local et les équipements. L'eau de Javel reste un moyen simple à mettre en oeuvre, bon marché et efficace.

Je terminerai mes propos en relatant une anecdote à laquelle nous avions été confronté à Kayes et qui souligne l'importance des facteurs humains dans la réussite de tels projets. Pour valoriser le lait en surproduction en saison des pluies, nous nous étions lancé dans des essais de fabrication de féta dans un campement peuhl à une vingtaine de kilomètre de Kayes en pleine brousse. Pas facile mais rien de techniquement insurmontable. Accueil favorable des éleveurs, heureux de pouvoir écouler une partie de leurs excédents. Mais nous nous sommes vite heurtés à un blocage de la part des femmes. Car c'étaient elles qui avaient la charge de vendre le lait caillé en se rendant dans les villages avoisinants le campement pour vendre ou troquer le lait contre des céréales. En achetant le lait aux éleveurs, non seulement on transférait une source de revenus des femmes vers les hommes mais on réduisait leurs opportunités de sortie du campement. Nous avons vite arrêté notre essai. De fait, nous ne savions pas non plus si nous aurions trouvé un débouché pour notre féta !








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