Payer les producteurs de cacao, mais aussi de tout autre filière en Afrique, via les applications de mobile banking sur les téléphones portables plutôt que les traditionnels paiements en cash est assurément une très bonne initiative. Je passe sur les économies pour la filière soulignées dans cet article publié par Comodafrica et je préfère me pencher sur les avantages et risques pour les producteurs.
Les paiements par téléphone permettent de sécuriser les mouvements de fonds entre opérateurs, coopératives et producteurs. Ces mouvements sont traçables et aident aussi à la transparence des paiements. Ce sont là deux énormes progrès. Et ce ne sont pas les seuls. Les paiements via les téléphone sont aussi un premier pas vers la bancarisation des producteurs. Une bancarisation qui s'affranchit du fait que les banques sont souvent difficiles d'accès pour une grande majorité des producteurs. Une bancarisation qui ouvre la porte à une épargne tant il est vrai que les montants qui apparaissent sur l'écran d'un portable "brule moins les mains" que le cash dans la poche. Et l'épargne est essentielle pour faciliter l'accès au crédit et appuyer la modernisation des exploitations.
Mais il faut faire attention à ce que ce ne soient pas les producteurs qui supportent les coûts de cette évolution des modes de paiements. Et ces coûts peuvent être élevés. En fait tant que l'argent reste à l'intérieur du système, les frais liés sont relativement faibles. Mais dès que l'argent sort, c'est à dire quand les montants inscrits sur le compte du producteur sont convertis en espèces, là, les coûts sont élevés.
Or les producteurs paient la majeur partie des achats de la vie courante en liquide. Ils vont donc chercher à convertir rapidement les paiements reçus en cash. Et c'est là que, souvent, le bas blesse.
Il leur faut d'abord trouver un point de retrait. Pas difficile en ville. mais c'est une chose beaucoup moins aisé dans les villages de brousse. Là-bas les points de retrait sont rares et se pose alors les problèmes de logistiques pour assurer leur approvisionnement régulier en espèces (et les volumes peuvent être importants quand un cacacoculteur veut récupérer le paiement de sa récolte) et leur sécurité. Et si le producteur doit se déplacer à la ville la plus proche cela entraine des coûts et l'expose à des attaques sur le trajet retour. De plus, les frais lors du retrait du cash sont élevé. Les frais et les problèmes de sécurité liés aux paiements sont alors transférés des opérateurs vers les producteurs. Ce qui n'est pas correct.
Il faut donc que l'argent payer aux producteurs reste le plus longtemps dans le système. En d'autres termes : il faut que le producteur puisse payer le plus possible de ces dépenses par téléphone. Que l'épicier du village, la vendeuse sur la place du marché, acceptent les paiement par mobile-banking et que eux même puissent régler leurs fournisseurs de la même manière. Il faut développer un "écosystème" monétaire dépassant les simples paiements aux producteurs. Il est donc indispensable que les campagnes pour généraliser les paiements aux producteurs par téléphon,e s'accompagnent d'une action auprès des administrations (en Côte d'Ivoire, on peut payer les frais de scolarités des enfants par téléphone), des petits commerçants, des grossistes ...
Sinon, les producteurs seront obligés de convertir l'argent sur leur compte en espèces avec des coûts élevés et il seront, une fois de plus, "les dindons de la farce.
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