Fambolena participe, en sous-traitance avec APEX Agri, à une mission en Arabie Saoudite pour le compte de l'Agence Française pour Al-Ula et de la Royal Commission for Al-Ula.
L’objet de la mission est de réaliser un diagnostique de la production de mangue dans la région d'Al Ula et de proposer un plan de développement d'une filière mangue dans l'oasis d'Al Ula.
Al Ula est une oasis située dans la région de Médine, à 200 km des rives de la Mer Rouge au sein de plateaux de grès désertiques découpés par de nombreux canyons. L'oasis a été pendant des siècles un point de passage sur la route des caravanes qui reliaient l'Afrique, l'Asie et l'Europe. Outre les magnifiques rochers sculptés par l'érosion, il subsiste des vestiges architecturaux des civilisations qui se sont succédées sur le site. L' Arabie Saoudite veut faire d'Al-Ula un site touristique majeur du royaume et compte sur le marché que représente ces touristes pour développer le revenus des producteurs qui cultivent les oasis à proximité de la ville. La culture principale est le palmier dattier mais les agriculteurs cultivent aussi des agrumes (oranges, mandarines, citrons, kumquats, cédrats ..), du moringa pérégrina, un peu de figuiers, de raisin et donc de manguiers.
Vue générale de l'oasis de Dadan (Central Al Ula) depuis Harat point view (ci dessus) et depuis le fort de la vielle ville (ci dessous)
Nous nous sommes rendus sur place la première quinzaine de février 2024. Ce fut l'occasion, pour Fambolena de découvrir un environnement complètement différent de ceux dans lesquels nous avons évolués en Afrique sub-saharienne, à Madagascar ou en Asie. Non seulement les systèmes agricoles oasiens sont très particuliers, avec des sols très sablonneux, pauvres en matière organiques et un recours à l'irrigation indispensable. Mais les agriculteurs saoudiens ne ressemblent en rien aux petits paysans africains. Ce sont des entrepreneurs qui exploitent des surfaces plus importantes et qui disposent de moyens financiers, matériels et humains plus conséquents.
Nous avons commencé par nous rendre dans la région de Jazan, à la frontière avec le Yémen. C'est la région du royaume qui produit le plus de mangues. Elle reçoit un peu de pluies (100 mm/an) et on y trouve de beaux vergers de manguiers. Il y a un centre de recherche agronomique qui travaille sur les fruits tropicaux dont la mangue et la filière est organisée et "exporte" des mangues vers les différentes régions d'Arabie Saoudite.
Vergers de manguiers dans la région de Jazan.
Démonstration de plantation en Ultra haute densité (3X3m) et mangues locales sur un marché.
Nous voulions voir ce qui pouvait être transposé à Al-Ula et quelles synergies il pouvait y avoir entre les deux régions.
Sur Al-Ula, on ne peut vraiment pas parler de filière mangue. Seulement 150 agriculteurs ont planté des manguiers. Ils possèdent de quelques arbres à, au plus, une cinquantaine de manguiers. Il ne s'agit pas vraiment d'une production commerciale mais plutôt d'une culture 'hobby'.
Les arbres ont été souvent plantés à partir de noyaux et ils sont rarement greffés. Les fruits sont donc de qualités très variables et présentent des caractéristiques souvent différentes des variétés de départ : plus de fibre, moins de chair, variabilité des goûts .... Les arbres ne sont pas taillés et, de manière générale, ils bénéficient de moins de soins que les autres productions. Les rendement sont faibles : autour de 50 kg/arbre et les mangues sont essentiellement consommées en famille ou données en cadeau aux amis. De fait, le marché local est principalement alimenté par l'importation de mangues du Yémen et, dans une plus faible part, d’Égypte et d'Afrique du Sud. Qui plus est, la période de production des mangues (de juin à septembre) ne correspond pas à la période touristique (de novembre à mars). Mais ces agriculteurs pionniers ont démontré qu'il est possible de cultiver des manguiers dans l'oasis.
Il ne va donc pas être facile de développer une filière mangue dans ce contexte. De toutes évidences, elle restera, dans le meilleur des cas, une filière de petite taille destinée au marché local. Dans un premier temps il faudra sans doute travailler sur le matériel végétal : greffage des arbres existants, utilisation de plants greffés avec des variétés adaptées aux conditions locales pour les nouvelles plantations. il faudra aussi améliorer les pratiques culturales, notamment la taille, la récolte et l'irrigation pour améliorer la qualité des fruits et les rendements. Il y a déjà des agriculteurs qui compostent les rafles et les palmes des dattiers. C'est une pratique qui pourra être généralisée pour enrichir les sols en matière organique.
Compostière sur la ferme (certifiée bio) de mr Sami Abdellah
Il est aussi possible d'améliorer l'accès au marché en s'appuyant sur les projets de farmers' hubs pour créer des plateformes pour recevoir, trier et conditionner et stocker dans des chambres froides les fruits livrés par les producteurs. Le touristes ne pourront pas consommer de mangues locales fraîches. mais on peut envisager de peler, dénoyauter découper et congeler des mangues lors du pic de production pour les utiliser plus tard pour la confection de jus, de glaces ou dans des plats cuisinés.
Cela prendra du temps pour transformer la culture des manguiers en une véritable production commerciale mais les autorités locales peuvent s'appuyer sur un petit noyau de producteurs ouverts aux innovations et prêts à servir de démonstrateurs
La disponibilité en eau un un enjeu majeur. Elle est pompée dans des nappes fossiles à 100 mètres de profondeur qui ne se renouvellent quasiment pas. Il faut donc l'économiser alors que la pratique de l'irrigation par gravité entraîne plutôt un gaspillage de cette ressource et des problèmes de salinité.
On peut envisager (rêver ?), dans un deuxième temps, un développement modéré de la production de mangue. Compte tenu de la problématique de la disponibilité en eau pour les générations futures, il ne nous parait pas souhaitable que se développe des vergers de manguiers à l'image de ce que l'on peut voit à Jazan. de toutes façons, les autorités locales cherchent plutôt à réduire les surfaces cultivées sur l'oasis. (les grands champs de luzerne irrigués par asperseurs sur pivots sont par exemple interdits). On peut par contre planter des manguiers (en association avec des agrumes) sous les palmiers dattiers. C'est quasiment impossible à l’heure actuelle car les dattiers sont traditionnellement plantés en haute densité : tous les 5 mètres, voire tous les 4 mètres.
Ce qui ne laisse pas assez de place pour planter des arbres fruitiers en dessous. Mais, toujours dans l'optique de rationaliser l'utilisation des nappes aquifères, un plan de conversion des surfaces agricoles est en cours d'élaboration. il prévoirait, notamment de réduire la densité des dattiers à 8X8 ou 10X10 et de développer la culture d'arbres fruitiers en association. A suivre donc. mais pas avant 5 années !
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